Ruth Erdt

«Ne pas trembler» – à qui s’adresse ce message? À la personne devant la caméra, ou à celle placée derrière? Au corps de l’objet, à la main de la photographe? Le titre du livre désigne avec justesse cet instant de proximité et d’intimité entre les acteurs qui réapparaît dans le contenu à proprement parler. Ruth Erdt n’impose pas la distance – que ce soit vis-à-vis d’elle-même ou de son interlocuteur. En paroles dans la première partie, en images dans la seconde, elle place les lecteurs au plus près de son objectif, leur offrant un aperçu révélateur de sa photographie et de son être profond. L’ouvrage est ainsi un autoportrait à deux égards: mots et photographies y constituent une unité, reflétant leur objet à la manière d’un hologramme à double perspective, se superposant pour donner lieu à une seule et même histoire. Selon l’artiste, ses photographies visent à interroger les conventions du regard d’un point de vue féminin. Avec un livre qui retrace son parcours, elle se penche également sur un chapitre de l’histoire de la photographie – à savoir ce passage fondamental de la photographie analogue aux images digitales, ainsi qu’au déferlement d’images narcissistes dans les médias sociaux – et ce, d’un point de vue hautement personnel. Photographier, c’est penser. Une pensée pour chaque regard posé. [Alice Wilke]